Les dangers d’un concept multiface : l’ouverture


L’ouverture
est un concept politique souvent employé à tort et à travers pour désigner des choses différentes, et parfois inquiétantes pour la démocratie.

I Cela peut s’entendre comme une volonté de consensus, de dépassement de clivages artificiels.

Il peut y avoir des effets positifs à l’ouverture, à la marge du politique, dans un processus de démocratie participative, de recherche de consensus sur certains sujets. C’était ici le projet de François Bayrou.

Cela entraine cependant souvent la valorisation, notamment à droite, où la politique fait peur, de listes apolitiques, de la société civile etc.
Je trouve dangereuse cette nouvelle passion pour la société civile, supposée supérieure à l’engagement militant ?

Comme le dit Pierre Cohen, candidat de la gauche à Toulouse

« Peu à peu en dénigrant la politique, on a dénigré l’engagement et on a fait briller le non-engagement dans les partis en parlant de « société civile ». Que quelques uns, reconnus pour leur compétence professionnelle, s’engagent dans l’action municipale, sans attache partisane, cela peut être entendu.
Mais ce qui est déterminant au-delà de leurs compétences (notons que les militants sont compétents dans leur vie professionnelle, le propre du militant c’est de militer après sa journée de travail !) c’est leur engagement.  »

Comme le dit Corinne Lepage en réponse à une question sur l’ouverture sur le site internet du nouvel obs :

 » Il y a ouverture et ouverture. Celle qui consiste à demander à des responsables politiques qui n´ont pas votre positionnement politique à vous rejoindre pour élaborer un programme de synthèse, et celle qui propose à des individus de disposer de postes pour mener la politique que vous avez définie. Je suis poour le première et pas pour la deuxième forme d´ouverture, précisément parce que j´ai le souci de la cohérence. »

Et encore, les dérives peuvent être plus grave

II En effet l’ouverture peut se transformer en débauchage individuel, en opération de communication ou de déstabilisation de l’adversaire, sans plus de cohérence ni d’intérêt.

Reprenons avec Pierre Cohen :
« De société civile on a vite fait de glisser aux candidats à paillettes, à des individus invités à être sur une liste uniquement à cause de leur aura médiatique, en général due à une activité comme le sport, la mode, le ciné, la télé… Ainsi peu à peu, de pipoles en paillettes, on tue l’engagement politique. Mais voilà, avec mes colistiers je crois à l’engagement politique, à la participation des citoyens à la vie de la cité. Je pense que les électeurs aussi ont envie d’un retour des politiques aux affaires de la cité. C’est un des enjeux de ces municipales. »

Pire que cela : l´ouverture aujourd´hui pratiquée par l´UMP, notamment à Toulouse, fait que n´importe quelle personne qui n´a pas été retenue démocratiquement par son parti, les déçus, ceux qui sont en perte de vitesse, les ex, peut trouver en face un nouveau siège. Outre un manque de cohérence certain, n´est ce pas particulièrement choquant ?
Les ratés d’en face prennent de la valeur simplement car ils se dédisent! C’est terrible pour la politique.

Dans cette ville, le maire sortant apparenté UMP a ainsi fait venir sur sa liste (outre Fabien Pelous et des spécialistes de la santé ou des responsables industriels) une conseillère régionale vraiment de la gauche du PS qui n’avait pas été choisie par les militants de son parti pour les législatives.
De même avec des responsables du modem en fin de course.


III Enfin cela porte aussi en germe la défiance vis à vis du politique, le gouvernement des experts, la prétention à la vérité par le bon sens.

C’est là que l’on peut en venir au rapport Attali.
Après l’avoir parcouru, on peut penser qu’il y a dedans de bonnes choses, des idées, du travail qui a été fait. Mais également d’autres propositions moins judicieuses.
C’est donc une matière à réflexion, à droite comme à gauche.

Il y a tout de même deux problèmes sérieux autour de ce rapport :

-le ton présomptueux et dogmatique de celui qui a trouvé la vérité. Bientôt il nous demandera une messe… C’ est à prendre en bloc (pour respecter l’équilibre social-libéral de l’ensemble), quel que soit la majorité, dernière solution avant le déclin !
Je décide, ils (les parlementaires, élus du peuple) exécutent…

Il faut toujours se méfier de La vérité, et toujours s’inspirer des connaissances. Ce gouvernement des experts, alors que d’autres proneront des solutions contraires, que les intérêts et enjeux sont complexes, que la mise en oeuvre répond rarement à la théorie initiale.. ne peut être détaché du politique, ni se détacher de toute vision du monde.

– à coté de bonnes idées parfois, une tonalité, un présuposé trop économiste : le principe de précaution ? inutile. La mort du commerce de proximité ? La multiplication de l’automédication de supermarché ? La disparition du département pour faire des économies ?…
Il n’y a qu’une grille de lecture qui est la croissance. Ce rapport doit donc se confronter nécessairement aux autres enjeux de société, d’identité, de culture, de solidarité.

Le gouvernement des experts, outre qu’il peut représenter un danger démocratique (Attali a répondu avec morgue : « vous préférez le gouvernement des imbéciles ? »), n’est pas une garantie de réussite, particulièrement en économie. Il n’y a pas de vérité, même s’il peut y avoir des consensus.

C’est le politique, la diffusion de la connaissance, la transformation de la complexité en modèles et en mesures, la pédagogie et la réflexion, auxquels les intellectuels, les savants, les élus et les experts doivent être associés, qui fait évoluer la société.

Il s’agit donc bien là d‘ouverture d’esprit et de capacité de remise en cause.


[Edit : A signaler : une courte fiction caustique sur le thème de l’ouverture.]

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