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Les militants socialistes suivent-ils les élus dans leur vote ?

octobre 15, 2008

Toujours cette idée, largement répétée… « Les élus font le congrès »

Un axe d’analyse majeur des analystes, des médias comme chez certains militants.

Déjà il y a quelques mois je m’irritais de cette vision simpliste, qu consistais à compter le soutien des fédés à travers leur premier secrétaire.

Ainsi on compte ici les secrétaires de section, les membres du conseil fédéral, les -attention- premiers fédéraux qui prennent la grande responsabilité de signer et ainsi faire basculer derrière eux des centaines de militants endormis… Ne poussons pas trop loin.

Bref, certains sont particulièrements atteints par ce travers, j’en reviens à la motion A. J’avais déjà ironisé sur leur propension locale à signer, très tôt, très haut…

Ainsi récemment, Harlem Désir, premier lieutenant de Bertrand Delanoë, a fait ses comptes. “Le plus grand nombre d’élus locaux, le plus grand nombre de territoires, c’est Bertrand Delanoë qui les réunit sur sa contribution”

Oui, et alors, je suis compté dans les soutiens parce que Pierre Izard ou Kader Arif? (Et d’ailleurs, est-ce un bon signe de rénovation que de compter le plus de sortants ?)

D’ailleurs la fédération 31 est souvent citée comme un des appuis importants de Delanoë, sur cette analyse éluesque… J’espère pour lui qu’il a des soutiens plus solides, sans quoi il risque d’être déçu.

Souvenons nous du référendum européen en interne, souvenons nous des primaires présidentielles, les élus n’ont pas eu cette influence hypnotique. C’est ce que relève Cambadelis, repris par libération :

«La grande question, c’est les militants, résume le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis. Vont-ils s’intéresser aux débats ? Vont-ils voter comme les élus leur demandent de le faire ? Vont-ils se révolter contre le verrouillage ?» A en croire toutes les écuries, le vent de liberté qui soufflerait aujourd’hui sur le vote militant serait davantage qu’un cliché. «Le gros baron qui fait tomber les voix existe toujours, estime un cadre de Solférino. Mais c’est devenu plus compliqué depuis le référendum et la présidentielle, qui ont été des votes d’émancipation. Et ça va continuer.»

Ainsi dans les repas de section actuellement, malgré les enjeux, la bonne humeur et la conscience de valeurs communes règnent toujours généralement.
Contrairement à l’image que propagent ses marges, d’un PS froid, stérile, attaqué de l’intérieur par des métastases mortelles, le PS vit (attention, je ne dis pas que tout va bien politiquement en disant ça).

Ces soirées, comme d’autres plus directement consacrées au débat sur les motions, sont importantes. On y mange, on y discute politique, cinéma, on critique, on rit, on fait passer des idées. Les nouveaux militants cotoient les anciens, se font sonder, aborder, servir un verre amical.
Dehors, de petits groupes discutent avec fougue lorsqu’ils tentent de se convaincre, avec discrétion lorsqu’ils envisagent la stratégie à suivre. Quelques vieux militants doivent partir, il est tard, de toute façon il voteront comme l’élu qui vient de prononcer un beau discours d’unité et de convivialité.

Certains sont déjà en train de se compter, soit dans la section, soit en pratiquant une analyse éluesque, « à l’ancienne » :
« on a trois parlementaires et le premier secrétaire, c’est bon. »
« mince, trouffiac a basculé, leur secrétaire de section a signé motion T »,
 » Nouville les oeillets ? C’est chez nous. Ils ont largement voté Ségolène aux primaires, mais c’est bon, j’ai eu Michel, leur secrétaire, il va signer… »

😉

Bon, trève de plaisanterie.

Bien sûr, cette analyse n’est pas complètement fausse. C’est un indicateur, car les élus ont été désignés par les militants, donc ils représentent réellement des courants internes. Par ailleurs, il y a toujours toute une frange de militants légitimistes, parfois opportunistes, qui suivent.

Enfin, bien sûr, ces élus et responsables intermédiaires sont importants car s’ils sont arrivés là, ils ont des réseaux, sont bons orateurs, fins tacticiens, et peuvent organiser concrètement la campagne interne.

Donc ça compte.

Mais une simple comptabilisation paraît absurde et de plus en plus démentie par les faits. Il y a des enjeux qui n’atteignent que les zones de pouvoir, des réseaux qui ne prennent pas à la base, des calculs à 3 bandes, des choix individuels, des positionnements publics précoces difficiles à dédire etc.

Et puis un vote plus réfléchi, plus divers, plus politique finalement, c’est tout de même démocratiquement plus sain.

Travaillons concrètement le renouveau de notre militantisme (1)

octobre 7, 2008

Car il y en a qui en veulent vraiment.

Plusieurs initiatives cherchent actuellement à rénover le fonctionnement interne du parti socialiste.

Bien sûr les motions proposent des choses qui laissent entrevoir, si les pratiques suivent les mots, des avancées. Je trouve que le chapitre 4 de la motion D est particulièrement interressant sur la démarche, sur ce que cela pourrait être.

Décliné localement, cela donne un travail conséquent autour du « manifeste », qui va au dela des motions mais qui exprime un ras-le-bol et tente de proposer. Le travail est en cours.

Dans les deux cas Hugues est sollicité et répond présent. Je ne le cite pas seulement pour saluer son engagement, mais aussi parce que je trouve son article très bon sur ce que cela pourrait être demain la fédé 31. J’espère que ces propositions seront reprises quel que soit le vainqueur. C’est dans la dot de la synthèse…

Parceque je ne suis pas qu’un agrégateur de blogs, j’ai voulu proposer aussi.

Voici une réflexion encore incomplète sur la chose :

Que voulons nous être ?
Au dela de pouvoir fournir des élus, notre parti a vocation à peser sur la société. Gagner les élections nationales est bien sûr un objectif majeur, mais ce n’est pas le seul. Nous devons retrouver un rôle de médiation entre les demandes sociales, les analyses intélectuelles et la proposition politique. Les partis ont également un rôle de pédagogie, expliquer et traduire la complexité en programmes, pour ses militants d’abord, pour les électeurs ensuite. Nous devons être à nouveau un moteur, un catalyseur d’idées et d’actions, de propositions. Sortir de mythes qui sont mystifications, être pleinement dans le réel à combattre ou à prendre en compte, mais sans oublier la confrontation aux utopies et à la critique.
Nous ne sommes pas seulement une alternative démocratique, une composante nécessaire de la multipolarité, rôle d’opposition technique et d’alternance.
Au contraire, nous ne devons pas non plus être un parti dépassé, coupé des réalités et des évolutions socio-économiques, qui ressasse, se combat et se coupe de l’intelligence. Un parti qui ne peut plus vaincre. Un parti qui lit avec les clefs d’hier, le marxisme, l’Etat nation, le productivisme industriel ou agricole, le libéralisme économique… (bien sûr toutes ces notions complexes ne sont que partiellement invalidées)


Cela passe t-il par une massification ?
On entend parfois que le PS veut devenir un parti de masse, doubler, tripler, le nombre de ses membres. Certains, qui ont une vision plus traditionnelle, refusent cet objectif, qui les mettrait davantage en minorité encore, et qui changerait la nature de militant.
En effet cela pose la question de qu’est-ce que l’adhérent-militant ? Pour élargir notre base très largement, il faudrait rendre plus facile et plus intéressante la participation au parti. Il faudrait aussi accepter que l’engagement soit divers, à intensité variable.

Il y a donc un travail de rénovation des statuts, des pratiques. Mais la limite doit être fixée, au regard de l’expérience des militants à 20 euros.
Cette expérience doit être jugée avec intérêt cependant.
On a pu voir qu’une adhésion mal accompagnée a produit des déçus. Certains également étaient venus dans une démarche consumériste ou de soutien à Ségolène Royal, mais pas vraiment avec un engagement politique ou suivi.

Mais, contre la simplification que l’on fait parfois, il y a aussi un apport politique de cette expérience. Outre ceux qui sont restés, certains ont participé à leurs premières réunions lors des municipales, il y a un effet de traine derrière une adhésion. Ils ont reçus les publications du parti, se sont intéressés, se sont positionnés vis à vis de leur entourage. Donc certes l’adhésion ne doit sans doute pas se limiter à la participation à un vote, mais je pense qu’ un parti de masse, avec une large diversité d’engagements et d’apports, est souhaitable. Cela doit être un facteur de repolitisation, de formation, de pédagogie, de mobilisation.

Il est également vrai que dans certains cas, certains nous quittent ou nous boudent non pas à cause des idées mais du fonctionnement du parti. Il faut être attentif à la dynamique des adhésions.
Il faut enfin créer les conditions d’un travail de fond, d’une nouvelle phase intélectuelle, et d’une cohérence et d’une ambition renouvelée pour le parti.

Voici pour ces premières réflexions générales. Elles seront suivies par d’autres plus opérationnelles quand je les aurais mises en forme.

Et si le congrès votait pour le mandat unique parlementaire ?

septembre 2, 2008

Avec fougue, Hugues nous incite à signer une pétition.

http://www.pourlemandatunique.net/

Et il a bien raison,

Ainsi, la possibilité existe, si les militants le souhaitent et se mobilisent, d’ un grand boum politique, contre les inerties nombreuses. Ce qui aurait dû arriver progressivement depuis longtemps sera un choc salutaire pour le PS comme pour la démocratie française.

Comme lui je vous engage donc à signer cette pétition : il faut réunir 30 000 signataires membres du PS (si on estime qu’il y a 200 000 membres ce qui est sans doute la fourchette haute) pour imposer un référendum interne sur la question du mandat unique parlementaire.

Il serait temps, voici une proposition qui était dans le programme présidentiel.
Le MJS vient également de se déclarer favorable à ceci.

Cela permet à d’autres d’acceder au pouvoir représentatif, donc c’est un renouvellent, mais aussi un appel d’air salutaire. Cela évite la concentration de pouvoirs nombreux à certains endroits. Enfin, cela met fin à une aberration hypocrite dans certains cas, lorsque certains ont plusieurs fonctions qui chacune exige un engagement complet. Et si on travaille si bien, plutôt que dégager du temps pour un autre mandat, souvent cela serait utile pour la fonction première, ou pour avoir des politiques plus ouverts sur le monde :  moins dans le flux tendu des informations, des décisions, avec un peu plus de temlps de recul, et une culture de l’enrichissement personnel constant).

Rappelons qu’au niveau local la situation est compliquée, et pas encore clarifiée, ce qui est bien dommage.

Si on n’obtient pas cela, on pourrait déjà intégrer les agglo dans le calcul du cumul des mandats, par exemple pour commencer. Et aussi pour le cumul des revenus.

De même au PS, limiter les mandats internes et les mandats d’élus dans les instances nationales ou territoriales. Ainsi, Kader Arif, qui est reconnu comme un bon parlementaire européen, ainsi qu’un secrétaire national aux fédérations méritant, a plus que délaissé la fédé… (et en plus il est maintenant conseiller municipal)

Mais cela n’empêche pas d’agir, et du moins pour l’instant, de rêver : imaginons.

Les 30 000 signatures sont atteintes, un référendum a lieu en même temps que le vote du congrès. Malgré les contortionnements embarassés de certains élus et candidats (même si les principaux, Royal, Delanoë, Moscovici ou Aubry ne cumulent pas abusivement), la victoire est là…

Ceci peut aussi se faire avec plus de douceur, si la disposition est portée par la motion qui devient majoritaire.

Imaginons, des dizaines, des centaines, de partielles déclanchées partout en France. De nombreux parlementaires ont un choix à faire, important, décisif, démocratique. Quelques uns refusent la règle commune et se mettent en marge du parti.

Ce geste fait l’admiration des démocrates en France, et compte tenu de l’impopularité présidentielle, malgré un PS encore faible, il perd très peu des circonscriptions qu’il met en jeu.

C’est vu à juste titre comme une vraie marque de courage, d’audace, d’engagement, de modernité démocratique. Des dizaines de jeunes (mais pas seulement), notamment plus de femmes, des profils plus diversifiés, complètent les assemblées locales et, plus rarement, le parlement.

PS : une bonne analyse universitaire contre le cumul des mandats , lien trouvé sur le site toulousoscopie.

Les grandes déclarations débroussaillent le congrès : Gorce vs Cambadelis

avril 10, 2008

Suite à la lettre publique de Gaëtan Gorce, Jean-Christophe Cambadelis lui répond.

Gaëtan Gorce propose l’élection du Premier secrétaire du Parti socialiste avant le congrès et la mise « au rencart » des sensibilités ». Il fustige dans le même propos le conservatisme de tous ceux qui veulent reconstruire en rond.

Réponse de Jean-Christophe Cambadélis à Gaëtan Gorce

Cher Gaëtan,
J’ai reçu ta lettre du 26 mars. Et je me suis dis, l’affaire est d’importance puisque cette dernière est imprimée. J’ai cru un moment que ce ne fut une nouvelle candidature au poste de premier secrétaire du Parti socialiste. (…)
Permets moi de te dire que tout ton texte semble respirer, une sorte de découragement latent, un dénuement résigné mais vengeur, qui aspire à être surmonté par le dépôt des armes de la critique.

Il semble que pour toi : la démocratie est incapable de produire le redressement du Parti
socialiste.
Le régime des courants est la source de tous les maux. Bref ! Tout fout le camp !
Faisons appel à un chef !
J’imagine le sursaut d’outre-tombe de François Mitterrand et de Mendès France. Cet appel, à peine déguisé, à un Bonaparte, voilà qui fleure bon les années 1958 et 1962. Il faudrait qu’à Toulouse pour la date anniversaire du congrès de 1908, là où Jaurès plaida avec succès la réforme avant la révolution, là où il imposa l’élargissement du nombre de courants de la SFIO, nous fêtions dans cette ville conquise par l’union, la mise sous boisseau du droit de s’assembler en sensibilités…

Nous aurions eu raison dans le débat contre le centralisme démocratique en 1920. Et
aujourd’hui, parce que se mettre d’accord est tout à la fois âpre et fastidieux, il faudrait renoncer à ce qui fit notre succès ; il suffirait de s’abandonner à un centralisme plus ou moins éclairé. Renoncer à débattre, échanger, convaincre serait le plus sûr moyen de triompher ?
(…)
La crise du Parti socialiste se réduit elle à une crise de leadership ? Tu n’es pas le seul à le penser. Tu vas, toi le franc-tireur, au bout d’un raisonnement qui ne te ressemble guère : vite un chef ! En proposant l’élection du Premier secrétaire avant le débat, tu marches vers le plébiscite. Tu laisses à l’un d’entre nous, de guerre lasse, le soin de nous imposer son orientation.
Tu as sûrement grande confiance en ton champion. Pourtant tu ne vas pas jusqu’à nous
donner le nom de l’impétrant. Tu as raison il faut mieux être prudent.

Tu nous dis pour commencer : je crois en l’avenir de la gauche… bon ! Je n’en ai pas douté. Mais tu avoueras que cela ne nous fait pas avancer. Nous sommes, paraît-il, nombreux en ce cas. Tu ajoutes en gras « ma conviction ». Ce pronom personnel n’est-il pas précisément cet individualisme que tu pointes comme raison du caractère émollient de nos débats. Passons !

Tu as une conviction et ça se fait rare. J’en conviens. Chapeau bas ! Tu penses que le fonctionnement du PS ne correspond plus aux défis d’une démocratie moderne. La faute en serait à la proportionnelle… Et le moyen de le conjurer serait l’élection d’un chef doté de pouvoirs.
Tu n’as pas dit les pleins pouvoirs car tu as des lettres. Tu ajoutes qu’il faut démocratiser notre démocratie en consultant les militants. Tu avoueras que le rapprochement des deux propositions peut prêter à sourire. Puis tu ajoutes, « bâtir un parti populaire et moderne », voilà qui te promet une standing ovation. Même si le souci est le « comment ».

Tu proposes enfin d’en finir avec les contributions. Je ne suis pas loin de te rejoindre. Mais avoue que si nous avons un chef pré existant au débat et si nous supprimons les moyens du débat. La démocratie se dissout dans le centralisme.
(…)

Ne pourrait-on pas, comme je l’ai proposé au Conseil National, débattre sur la dizaine de questions qui sont à l’ordre du jour pour les Français ? Et puis rythmer notre congrès par 10 votes de clarification.
C’est sûrement un peu trop rénovateur…
Tu évoques ensuite nos alliances. Evidemment mon esprit en est tout excité. Mais nous restons sur notre faim lorsque tu résumes ton propos d’un tonitruant « assumons notre destin ». Et ce destin quand le visite t-on ?

Ne crois-tu pas que nous sommes devant une chance historique ? Celle de refermer la controverse issue de 1920. Nous ne sommes plus la gauche non communiste. Nous sommes la gauche. Ne penses-tu pas qu’il est temps de faire correspondre notre réalité électorale et notre ambition politique ?

Ne devons-nous pas bâtir les conditions d’un parti de toute la gauche, préalable à toute alliance au second tour des présidentielles ? N’aurions-nous pas l’occasion, en cette date anniversaire de 1908, de célébrer le trait d’union entre le passé et l’avenir ?
Evidemment il est difficile de fédérer tous les acteurs de la gauche, toutes les sensibilités – et elles ne sont pas toutes dans des jeux de rôles, elles sont respectables – En disant venez avec nous ! Mais de grâce ne vous exprimez pas ! Un parti tout entier subordonné à un présidentiable n’est pas le gage d’un élargissement mais la certitude d’un enfermement.

Ne crois-tu pas que c’est un débat fracassant dont la gauche a besoin ? Ne penses-tu pas qu’il nous faut une reconstruction par le bas… ? Celle des idées, de l’idéologie, de la politique, de la stratégie, plutôt qu’un replâtrage par le haut, via le « vrai faux débat » des leaders ?
Le problème n’est pas simplement organisationnel, il est d’abord politique. N’y a-t-il pas une urgente nécessité de débattre des fins et des moyens de la politique socialiste à l’époque de la mondialisation, du partage entre ce qui est de l’ordre de la solidarité et de l’individualisation dans le paquet social, de
ce qui pourrait être un modèle de domestication écologique et social de la mondialisation, de clarifier nos positions sur l’Europe, les institutions
et que sais-je encore ? Notre problème n’est-il pas stratégique ?

Peut-on pudiquement conjuguer tout à la fois l’alliance avec le Modem et Lutte Ouvrière ?
Je crois que tu nous proposes un raccourci de forme, alors que nous avons besoin d’une confrontation sur le fond, respectueuse de tous et d’abord des idées.
Tu veux un PS entièrement reconfiguré pour un destin. Nous souhaitons un PS accouchant d’un dessein.

Il se trouvera là de bons esprits pour dire que cela n’est pas contradictoire. Si j’ai pris la plume au-delà du respect pour le débat d’idées, c’est que je crois la controverse déterminante pour notre avenir. Et pour être tout à fait honnête, je redoute fort le chemin auquel tu nous convies « ici et maintenant ».
Beaucoup d’autres sont prêts à l’emprunter dans un lâche soulagement !
Amitiés socialistes,
Jean-Christophe Cambadélis

Deux visions de la reconstruction du PS, parmi d’autres, qui s’affrontent, se complètent, se pénètrent, et nous promettent de beaux débats..

Les socialistes rassemblés sur l’Europe, c’est possible

février 10, 2008

Tribune parue dans libération, de la part de membre de divers courants.
Bien que nous fûmes partisans du oui, il faut aujourd’hui dépasser les différences de postures et de moyens pour réfléchir à l’objectif.

Ce qui est important, et d’autant plus avec ce nouveau traité, ce seront les prochaines élections européennes.

Les socialistes rassemblés sur l’Europe, c’est possible

GUILLAUME BACHELAY membre du bureau national, LAURENT BAUMEL responsable national aux études, PASCALE BOITARD membre du bureau national, ROMAIN CUJIVES secrétaire national du MJS, ALEXIS DALEM corédacteur en chef de «la Revue socialiste», MARIETTA KARAMANLI députée, FRANÇOIS KALFON membre du conseil national, FLORA LABOURIER secrétaire national du MJS, SANDRINE MAZETIER députée, CLAUDE ROIRON membre du bureau national.


Libération QUOTIDIEN : lundi 4 février 2008

N’en déplaise aux commentateurs, les socialistes ne sont pas fondamentalement divisés sur le projet européen. Pour s’en rendre compte, encore faut-il s’abstraire des jeux d’appareils d’hier et regarder en face la réalité d’aujourd’hui. Socialistes, nous sommes tous des proeuropéens convaincus et nous ne nous satisfaisons pas de l’Europe telle qu’elle va. Notre projet est celui d’une Europe démocratique et solidaire.

C’est au nom de cet idéal, et même si nous mesurons le chemin parcouru, que nous critiquons ce que l’Europe tend à devenir : un marché sans horizon politique, sans réelle solidarité, où la concurrence sociale et fiscale est la principale politique de convergence. Si nous nous sommes opposés et parfois déchirés sur le traité constitutionnel, puis sur l’adoption du traité de Lisbonne, ce n’est pas au nom de conceptions divergentes de l’Europe, mais en raison d’une appréciation différente de la stratégie à adopter : le pari du compromis immédiat pour les uns, le pari du rapport de force pour les autres.

Nous partagions un même but stratégique : approfondir l’unification européenne pour répondre à la mondialisation.

Les partisans du oui ont pensé préférable d’adopter un compromis insatisfaisant pour avancer tandis que ceux du non jugeaient indispensable d’exprimer leur désaccord pour rendre possible une réorientation de l’Europe. Dans les deux cas, il s’agissait d’un pari sur l’avenir, aucun camp ne peut prétendre avoir eu intégralement raison. La suite des événements a pu confirmer les uns et les autres dans leur approche. Si cette différence d’appréciation a débouché sur une incontestable fracture, c’est qu’elle a été exploitée tant par l’ultragauche que par certains dirigeants socialistes. Nous voulons éviter que le champ de bataille du passé ne vire au champ de ruine de l’avenir. Nous nous appuyons sur une certitude : jamais le débat, artificiellement gonflé par le contexte politique interne du Parti socialiste, n’a porté entre nous sur les objectifs de la construction européenne.

D’ici quelques semaines, la question du mini traité sera derrière nous. Il est peu probable que le dossier institutionnel – voire constitutionnel – soit rouvert à brève échéance. Jusqu’à présent, nous avons toujours envisagé notre projet européen dans la perspective de nouveaux traités débouchant en même temps sur un approfondissement institutionnel et politique. Dans l’Europe à 27, et pour plusieurs années, l’ère des grands traités fondateurs est close. Seules seront possibles des avancées sur des projets concrets. Nous le regrettons, mais c’est un fait. Alors que le nouveau traité ne changera rien aux politiques mises en œuvre, c’est sur celles-ci que nous devons désormais nous concentrer. L’essentiel est de convaincre nos partenaires, non par une attitude agressive et agitée – celle contre-productive de l’actuel président de la République -, mais par la constance et la cohérence. Alors que le spectre d’une récession mondiale se profile, concentrons-nous sur les enjeux économiques et sociaux. Plusieurs avancées sont à la fois urgentes et possibles.

Les socialistes français doivent être à la pointe du combat pour la réforme de la gouvernance de la zone euro. L’Eurogroupe – autorité politique – doit monter en puissance et s’investir dans un dialogue permanent avec la BCE, et il ne tient qu’à lui de le faire. Les objectifs d’inflation et de taux de change doivent être fixés dans ce cadre. Tout en respectant son indépendance imposée par les traités, l’action de la BCE peut et doit être mieux coordonnée avec l’autorité politique. Un marché unique sans politique de convergence sociale vers le haut est voué à une concurrence vers le bas, ce qui n’est pas tenable à long terme pour nos entreprises, nos emplois, nos territoires, sans oublier nos finances publiques. Les socialistes français doivent proposer une stratégie par étapes, moyennant des compensations. Cela implique une nouvelle ambition pour les politiques structurelles. Le budget de l’Union devrait être porté pour cela à son plafond légal, 1,24 % du PIB, alors qu’il n’est aujourd’hui qu’à 1 %. L’Union doit également s’investir dans la recherche et l’innovation, dont le pilotage serait beaucoup plus efficace à son niveau. Nous proposons de créer une coopération renforcée pour gérer un budget commun et créer un espace européen unifié pour les entreprises innovantes et les chercheurs. L’environnement, les biotechnologies et l’économie de l’immatériel pourraient être les priorités de cette politique. Ils donneraient à la construction européenne un élan comparable à celui que la Communauté du charbon et de l’acier avait donné aux premières heures de l’Union.

Des inflexions importantes doivent être apportées, enfin, à la politique commerciale de l’UE. Plus réactive, elle devrait se fixer pour objectif le juste échange plutôt que le libre-échange. Il ne s’agit en aucun cas de protectionnisme, mais d’une stratégie gagnante pour tout le monde : éviter les à-coups pour nos entreprises et conditionner l’ouverture à des progrès sociaux et environnementaux effectifs du côté des pays émergents. Ces quatre priorités, que tous les socialistes partagent, peuvent être mises en œuvre dans le cadre des traités existants. Tout est question de volonté politique et de force de conviction.

A nous de convaincre nos partenaires, à commencer par le PSE. Si ces mesures étaient mises en œuvre, elles changeraient le visage de l’Europe, qui deviendrait un espace de croissance et d’influence, d’avant-garde économique et de progrès social. Sur ces questions – comme sur les autres – le PS doit maintenant se mettre au travail pour préciser les propositions et engager le travail de reconquête intellectuelle.

Jeunes responsables du Parti socialiste, nous sommes convaincus que la rénovation nécessaire de la gauche ne peut passer par la reproduction à l’infini et l’exacerbation des divergences qui se sont manifestées au cours des années précédentes. Après que le Congrès, réuni à Versailles, a voté, nous voulons surmonter le traumatisme de la division, nous rassembler pour reprendre le travail en commun, aller de l’avant. C’est ce que nous nous engageons à faire en appelant tous les socialistes de bonne volonté à nous rejoindre.

Portrait de Pierre Moscovici dans le monde.

janvier 25, 2008

Pour incarner le vaste chantier de la rénovation du Parti socialiste, il ne fait pas forcément bon avoir été le plus jeune secrétaire national du PS au congrès de Rennes de 1990, le benjamin des députés socialistes au Parlement européen en 1994 et le petit dernier du gouvernement Jospin, en 1997. Ces états de service brillants mais un peu compromettants ne semblent guère nuire à Pierre Moscovici, qui, au fil des années, a poli son image de socialiste consensuel, sérieux et posé.

La présidence de la commission d’enquête parlementaire sur la libération des infirmières bulgares détenues en Libye – dont il a refusé de voter le rapport pour protester contre « le scandale démocratique de la non-comparution de Cécilia Sarkozy » – a permis à ce technocrate aux manières élégantes de prendre du galon en tant qu’opposant au président de la République, auquel il consacrera bientôt un pamphlet.

Le jeune Moscovici est un trotskiste dilettante, proche de la Ligue communiste révolutionnaire, sans, dit-il, être encarté. A la sortie de l’ENA, il devient compagnon de route des socialistes et finit par rejoindre Michel Rocard, qui achève de le convertir en social-démocrate sans complexe. Mais c’est Lionel Jospin qui a accéléré sa carrière en l’intronisant secrétaire du groupe des experts du PS et en le poussant à affronter le suffrage universel. Après avoir servi Michel Rocard et Lionel Jospin, Pierre Moscovici a rejoint Dominique Strauss-Kahn, son ancien professeur à l’ENA. Dans sa garde rapprochée, il était le fidèle lieutenant, pendant que ses alter ego Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marie Le Guen jouaient les porte-flingues.

A 50 ans, le brillant second rôle a fini par s’impatienter. Cet automne, il s’est déclaré apte à prendre la succession de François Hollande lors du congrès de 2008. « Il considère qu’il le vaut bien », commente en souriant son vieux complice Cambadélis. L’intéressé acquiesce. « J’ai eu très longtemps une vie d’enfant gâté de la politique, celle d’un jeune homme un peu lisse à qui tout a été donné. » Sa victoire lors des législatives de juin 2007, dit-il, a agi sur lui comme un déclic

En 1997, à peine élu dans cette 4e circonscription du Doubs, ouvrière et toute acquise à la gauche, « Mosco » est propulsé aux affaires européennes. Gourmand, il aurait préféré le ministère de l’économie, mais, en 2002, il tombe de haut. Battu, il se replie sur le Parlement européen. Frappée par la crise, cette circonscription franc-comtoise voit monter en puissance le Front national, vote non au référendum européen à 65 % et place Nicolas Sarkozy en tête en mai 2007. Pierre Moscovici, pro-européen militant, dandy parisien habitué du Café de Flore, amateur de costumes parfaitement taillés mais pas de belles voitures (il n’est pas titulaire du permis de conduire, ce qui surprend toujours un peu les ouvriers de l’usine Peugeot de Sochaux lorsqu’ils le croisent), ne fait pas vraiment couleur locale. Cela ne l’empêche pas de l’emporter de justesse en juin 2007. « Cette victoire, c’est la mienne ; je ne la dois ni à papa Jospin, ni au grand frère Dominique, ni à Ségolène. Je ne suis pas moins légitime qu’un autre. Les regards sur moi ont changé ; je commence à devenir plausible », insiste Pierre Moscovici.

Afficher ses ambitions à la tête du PS, c’est aller à l’encontre du serment des mousquetaires strauss-kahniens qui se sont promis de ne rien faire qui puisse compromettre le retour de leur d’Artagnan. Jean-Marie Le Guen lui a « rappelé amicalement » que le courant DSK ne se reconnaissait pas d’autre leader que l’ancien ministre des finances. Au fait, qu’en pense le directeur du FMI ? Mystère. Il n’a pas souhaité répondre. « Il doit être partagé, avance Pierre Moscovici. Sans doute estime-t-il que je suis capable d’exercer ce genre de responsabilité, mais il doit aussi se demander si c’est son intérêt. »

Son émancipation, le député du Doubs l’assume sans complexe. Fils du psychologue social Serge Moscovici et de la psychanalyste Marie Bromberg-Moscovici, il estime avoir été à bonne école pour porter un regard lucide sur les questions qui engagent l’affect. De ses parents, il a hérité un fort appétit pour l’engagement politique. Juif d’origine roumaine, son père participa avec Brice Lalonde et René Dumont à la rédaction du programme du mouvement écologiste pour les législatives de 1978. Sa mère fut très engagée contre la guerre d’Algérie. Ni l’un ni l’autre ne l’ont élevé dans le culte de la social-démocratie triomphante. Et encore moins dans celui de François Mitterrand, dont « Mosco » n’hésite pas à dénoncer, en 1994, les relations avec Pierre Bousquet.

Dans un parti où les dégâts collatéraux de la défaite à la présidentielle de 2007 et l’hémorragie des adhérents ont rendu les rapports de force très incertains, Pierre Moscovici se propose de jouer les bons samaritains. « Il faut un congrès d’orientation, pas de désignation », répète-t-il. Traduction : choisissons un premier secrétaire capable de tenir à distance les deux présidentiables jusqu’à 2011, date à laquelle le PS ou ses sympathisants, par le biais d’une « primaire » à l’italienne, trancheront. Et de citer cette leçon qu’il a retenue de Lionel Jospin : « Le parti ne se prend pas au centre mais en son centre, c’est-à-dire en sachant marier les contraires. »

Au grand dam des orthodoxes strauss-kahniens, Moscovici ménage François Hollande – le premier secrétaire contrôle une bonne trentaine de fédérations – et s’est rapproché de Ségolène Royal, dont il salue « le charisme et les intuitions », même s’il juge « son vocabulaire christique assez insupportable ». Quant à Bertrand Delanoë, il le trouve « très classique ».

« Pierre est apprécié dans le parti, mais il n’y compte pas beaucoup de vrais amis et il n’a pas les qualités d’un Hollande. Passer la main dans le dos des militants et embrasser les mamies du PS, ce n’est pas trop son style. Et puis il pense sincèrement que, compte tenu de ses qualités, on finira par le reconnaître, ce qui, en politique, est un peu risqué… », estime un socialiste qui le connaît bien et considère que « Mosco » cherche d’abord à prendre date.

L’élégant député de Montbéliard, qui s’est laissé pousser la barbe comme pour signifier sa volonté d’incarner un nouveau personnage, envisageait-il une échéance plus lointaine ? « Un miracle peut toujours arriver, mais je n’y pense pas, se défend Pierre Moscovici. Premier secrétaire, c’est un boulot de chien qui exige de mettre les mains dans le cambouis pendant deux ans. Je prépare 2012 pour d’autres. »

Jean-Michel Normand

Le PS de demain : un vrai parti européen

janvier 10, 2008


Président du PSE Poul Nyrup Rasmussen

Chers/chères amis/es,

En tant que militants du PSE, je vous invite à participer au Conseil du PSE 2007 afin que vous aussi, vous ayez la possibilité de vous exprimer au cours de la plus importante réunion des socialistes et sociaux-démocrates européens de cette année.

Le Conseil du PSE, qui réunira plus de 300 participants parmi lesquels 130 délégués avec droit de vote et de nombreux leaders de parti, se tiendra à Sofia, en Bulgarie les 22 et 23 novembre prochains.

Le PSE n’est pas seulement en train de vous ouvrir la porte du Conseil – non, je me permets de vous inviter personnellement à vous joindre à nous pour les débats. Et je vous y invite en tant qu’invités individuels du Conseil. Grâce aux Militants du PSE, notre famille politique européenne a enfin trouvé sa base, une base qui joue un rôle vital dans la vie du PSE en tant que parti.

Pourquoi vous devez venir et pourquoi cet événement est si important

· Tout d ‘abord, parce que nous allons tenir notre premier grand débat sur le programme du PSE pour les élections européennes de 2009. Vous savez certainement à présent que nous avons une grande ambition – celle de nous présenter à ces élections unis autour d’un programme commun et progressiste, élaboré avec la participation des militants des partis dans le cadre d’une discussion ouverte. Le Conseil du PSE à Sofia est la première occasion pour tous les partis membres du PSE de se réunir et de discuter des différentes thématiques face à face, depuis le lancement de notre consultation sur le programme 2008 sur Yourspace.

· Deuxièmement, parce que nous allons tenir une discussion sur les marchés financiers, les fonds spéculatifs et de capital d’investissement. Il s’agit là d’un sujet brûlant et qui devient de plus en plus important sur l’agenda politique international – il est en effet de plus en plus question du rôle croissant des fonds d’investissement privés, qui ne sont pas assujettis aux mêmes règles que les autres acteurs sur les marchés financiers. Ces fonds sont responsables des acquisitions d’entreprises par endettement ou ‘leveraged buy-outs’, qui débouchent si souvent sur d’énormes pertes d’emplois et sur la destruction d’entreprises pourtant saines au nom du profit à court terme. Voilà une nouvelle facette inacceptable du capitalisme mondial qui requiert une action urgente.

Pour vous inscrire au Conseil du PSE à Sofia, veuillez suivre les instructions ici (http://www.pes.org/content/view/1206/1700092). Vous trouverez une liste d’hôtels bon marché à Sofia ici(http://www.pes.org/content/view/1170/1700103).

Afin que nous, socialistes et sociaux-démocrates, puissions façonner l’avenir de l’Europe, nous devons être forts et unis – nous avons besoin autant de nos leaders que de nos militants de la base pour rendre notre PSE plus grand et plus fort.

Rejoignez-nous à Sofia ! Contribuez à faire du Conseil 2007 une réussite !

Poul Nyrup Rasmussen

Président du Parti socialiste européen

Sandrine Mazetier, Paris pour tremplin

novembre 12, 2007

Au village de Pila-Canale (Corse-du-Sud), sa grand-mère Paula n’avait pas le droit à la parole. En juin, c’est à elle que Sandrine Mazetier a dédié sa victoire et « à toutes celles qui n’ont que le droit de se taire ». Sa famille était la plus pauvre de la commune. Paula avait fabriqué des chaussures en carton à sa fille pour sa communion. Aujourd’hui, la petite-fille porte fièrement des escarpins noirs à talons aiguille, une veste rose tyrien et pratique la gymnastique à la mode, la Power Plate. Elle rit quand on lui dit qu’elle est la « tombeuse d’Arno Klarsfeld » : « Avant moi, il y a eu Carla Bruni ! », rétorque-t-elle.

Aux législatives du mois de juin, Sandrine Mazetier, 41 ans, a terrassé le médiatique avocat, parachuté par Nicolas Sarkozy dans le 12e arrondissement de Paris. Sa victoire dans ce fief centriste depuis près de trente ans, face à un adversaire people, lui a servi de rampe de lancement. La « Mazette », jusqu’ici plutôt discrète, a surgi sur les plateaux de télévision et dans les gazettes.

Il ne faut pas se leurrer : « la fonceuse » comme l’appelle son copain Mao Peninou, élu socialiste du 19e arrondissement, n’a pas « décroché » le 12e par hasard. Durant toutes ses années dans l’ombre, la petite-fille de Paula n’a eu de cesse « d’être entendue ». « L’humble » gestion locale des trottoirs et des maternelles n’a jamais été pour elle un horizon indépassable. Le 12e, elle y a pris racine à 6 ans avec sa famille. A 15 ans, elle a pour meilleure amie la fille du candidat socialiste du moment aux législatives, Stélio Farandjis. Elle adhère au PS pendant la présidentielle de 1988 et s’investit dans la vie de sa section. « A l’époque, on n’y parlait que des grandes questions », s’enflamme-t-elle avec une pointe de regret. En 1995, première élection : la voilà conseillère d’arrondissement d’opposition. Sandrine Mazetier parfait ce parcours de militante socialiste locale en prenant part à la rude bataille pour la mairie du 12e arrondissement, en 2001. Sur la liste de Michèle Blumenthal qui détrône le maire UDF, Jean-François Pernin, elle figure en bonne place.

Avec Bertrand Delanoë à l’Hôtel de Ville, elle accède à l’étage panoramique de la vie politique parisienne. Elle s’était « beaucoup battue » pour lui contre Jack Lang qui guignait la Mairie de Paris, en 2001. Le nouveau maire sait s’en souvenir. Il la nomme d’abord adjointe chargée du patrimoine, puis de la vie étudiante. De son côté, elle sait se montrer reconnaissante : « Il a un instinct incroyable. Après presque sept ans de mandat, il n’est ni usé ni déconnecté de la société », s’extasie-t-elle.

Ils se découvrent « complices » avec des codes communs, issus de l’univers de l’entreprise et de la « com ». Elle a été pendant quinze ans consultante dans diverses agences et lui patron de son propre cabinet, où il réalisait des campagnes institutionnelles à la fin des années 1980. Ils se comprennent. « Bertrand et moi, quand on s’exprime, on se met toujours à la place de la cible, pas de l’émetteur », pointe-t-elle. Un réflexe de « pubeux ».

Aux municipales de mars 2008, pourtant, Sandrine Mazetier ne sera pas candidate dans le 12e. Dire que la venue de Jean-Marie Cavada dans l’arrondissement ne l’inquiète pas serait mentir. Il n’est « pas répulsif », admet-elle, pour une partie de l’électorat modéré qui a voté PS en 2001. Aussi a-t-elle été la première à dégainer contre l’ancien journaliste : il est « stupéfiant, dit-elle, de voir cet homme se présenter tout en disant que « finir maire d’arrondissement » ne l’intéresse pas ». Elle quitte l’Hôtel de Ville, assure-t-elle, par refus de la « résignation ». « Le problème du PS, c’est qu’il sait gérer les villes et les régions mais n’est pas capable de reprendre le pouvoir national. » Elle ne s’y résout pas. Aux quadras de « prendre en main le parti, le groupe à l’Assemblée », affirme-t-elle. Cette mission suppose, selon Sandrine Mazetier, de ne pas être accaparée par un mandat local.

Elle s’est juré d’être fidèle au dessein qu’elle a depuis longtemps conçu : être députée à temps plein. Elle s’y sent prête, après s’être frottée aux questions économiques et internationales et formée à la rhétorique avec un maître, Jean-Christophe Cambadélis, député du 19e, ancien trotskiste devenu animateur du courant de Dominique Strauss-Kahn. La Fête de la rose à Frangy-en-Bresse, en août, lui a offert un terrain de choix pour s’exercer et une soudaine visibilité. Elle a rompu avec les discours « convenus », fustigeant la gauche qui demande « toujours plus de moyens pour les facs mais qui ne s’interroge pas assez sur son échec à démocratiser la réussite ».

Au printemps, Jean-Marc Ayrault, patron du groupe socialiste à l’Assemblée, lui a confié le « portefeuille » de l’éducation avec le poste de vice-présidente dans son « gouvernement fantôme ». Elle a aussitôt appelé Jean-Marie Le Guen. « Tu prends ! », lui a intimé le chef de file des députés strauss-kahniens. « Le pire, sourit-elle, c’est qu’il pensait que je lui demandais la permission ! »

La jeune députée a beau dire qu’elle ne s’est jamais sentie « illégitime » à intervenir, elle n’a pas échappé au « coup de trac » des novices. En octobre, prise d’un tremblement au milieu de sa première « question au gouvernement », elle s’est agrippée au micro pour ne pas s’effondrer au milieu des travées. « Rien de monstrueux », minimise-t-elle.

De Washington, Dominique Strauss-Kahn s’enquiert d’elle régulièrement. Sandrine Mazetier espère sa candidature en 2012. Mais elle ne vit pas dans l’attente. « Elle est comme nous : elle veut prendre des responsabilités sans s’en remettre à un Lider Maximo », assure Jérôme Coumet, maire du 13e, quadra strauss-kahnien comme elle. « On a peut-être un plus grand désir d’autonomie que nos aînés », relève Christophe Borgel, qui occupe le siège de DSK au bureau national du PS. Mazetier ose sa propre explication : « Les femmes politiques ont moins besoin d’un chef que les hommes. Sans doute parce qu’elles n’ont pas besoin de tuer le père pour exister… »

Il faudrait « vraiment » que Bertrand Delanoë le lui demande et que les sondages deviennent « très inquiétants » à l’égard du maire sortant pour qu’elle change d’avis, en se présentant aux prochaines municipales. « Ne sois pas trop ingrate !, lui a glissé Bertrand Delanoë, soucieux de ne pas la voir déserter le front parisien. Je veux que tu joues un rôle important dans ma campagne. » Elle ne le lâchera pas. « Je serai la vigie » de Paris à l’Assemblée, a-t-elle promis. Tout en s’imaginant un autre destin : devenir l’égérie de la « strauss-kahnie » dans la capitale.

Béatrice Jérôme

Rénover le parti socialiste, un défi impossible ?

novembre 10, 2007



Petit livre de réflexion, bien au dela de la dernière élection résidentielle. Livre certes exigeant mais captivant, qui pose la question des rénovations du parti socialiste, en profondeur dans sa doctrine.

C’est une véritable refondation, qui doit cependant dépasser trois écueils : un repli sur des vieilles recettes, ou une « adaptation » avec de simples réponses de droite, ou encore un picorage de réponses prises ici ou là sans cohérence d’ensemble.

Il pose la question, et selon lui c’est un défi nécessaire, difficile, mais pas impossible. Et même mieux : inévitable !

Laurent Baumel : Rénover le parti socialiste Un défi impossible ? (Poche)

De la rénovation au socialisme du réel DSK

Mai 12, 2007

Une belle synthèse entre DSK et Ségolène faite par Dominique Straus Kahn lui-même, au conseil national du parti socialiste du 12 mai.

De la rénovation au socialisme du réel

Mes camarades, dès dimanche soir, j’ai parlé de défaite, certains ont crié au scandale, je crois qu’ils ont tort, je crois que nous avons intérêt à dire la vérité et à faire comprendre aux Français que nous sommes capables de regarder la vérité en face. Certains y ont vu une attaque contre Ségolène Royal, tant on aime opposer les socialistes les uns aux autres.

Il paraît que j’avais un visage dur, oui, j’avais un visage dur, pas contre notre candidate, Ségolène Royal, j’ai fait sa campagne, j’ai fait acclamer son nom par des dizaines de milliers de gens
venus dans les meetings, et je suis fier de l’avoir fait, donc ne nous donnons pas des leçons les uns aux autres, mais j’avais un visage dur parce qu’il y a de la dureté dans la douleur de la défaite, pas dans la dureté dans une quelconque médiocre vengeance des uns par rapport aux autres.

Sur le fond,je persiste.Nous avons vécu une élection présidentielle qui nous conduit à un résultat qui, malheureusement, est incontestable, c’est quand même la troisième défaite présidentielle que nous enregistrons (…)

Alors les causes ? Est-ce que c’est le moment ? J’entends bien tout le monde qui dit : est-ce que c’est le moment de discuter sur les causes ? Parce qu’on a les copains, tous, qui sont dans le combat législatif. (…) Si on veut avoir une petite chance de l’emporter, en tout cas de résister, il faut qu’on soit capable de dire aux Français qu’on a entendu ce qu’ils ont dit à l’occasion de ces deux premiers tours.

Alors la campagne, je veux bien, on a sûrement fait des erreurs de campagne, sinon on aurait gagné, mais ça, pour le coup, on verra, on a le temps d’en reparler. En revanche, je crois que cette défaite a quand même des racines qui sont profondes, et ces racines qui sont profondes, c’est que nous nous sommes éloignés du réel : sur un ensemble de sujets, on n’a pas apporté aux Français une réponse qui était audible.

On pourrait prendre mille exemples. Sur les retraites, le débat entre nous n’a jamais été tellement tranché, qui fait qu’on se retrouve avec un programme du parti d’un côté, une candidate de l’autre, incapable de dire, ce n’est peut-être pas l’avis de chacun d’entre vous ici, en tout cas c’est le mien : 37,5 années, ce serait souhaitable, malheureusement, dans la société qui est devant nous, ce n’est pas possible, et donc il faut l’assumer. Si on n’assume pas ça, on a un discours qui n’est absolument pas audible.

On pourrait dire la même chose sur le nucléaire. On est un peu comme ci on est un peu comme ça, et on met la candidate et tous ceux qui l’ont soutenue, tous ceux sur le terrain quand on s’est battu, dans des positions intenables, où on dit, pour des raisons qui sont liées à l’effet de serre,on pense que finalement, le nucléaire est une bonne position, c’est ma position, même s’il faut développer autant que faire se peut les énergies renouvelables, ou on dit le contraire, mais on n’est pas entre deux.

Et quand on est entre deux sur trop de sujets, il y en a plein d’autres que ceux-là, on s’éloigne petit à petit de la réalité. Je crois que cet éloignement de la réalité fait que, effectivement, il faut revenir à un socialisme du réel. Quand j’entends parler de révolution culturelle, je crois qu’on a raison. Le socialisme du réel, ce n’est pas un socialisme purement concret où on apporte seulement des réponses concrètes, l’idéologie y a évidemment sa part, mais c’est bien une idéologie qui se pose un minimum de révolution dans notre manière de regarder les choses. On en a rencontré des ouvriers, qui nous disaient : 1 500 euros, c’est bien, mais avec 1 500 euros, le patron ne va- t-il pas débaucher ? Je ne dis pas qu’il a raison de dire cela, je dis qu’il dit cela. Donc nous, parce qu’on a laissé s’insuffler cette idée-là, on a perdu une bataille culturelle, et c’est celle-là qu’il faut regagner, mais la regagner en ayant les pieds ancrés dans la réalité, pas dans le monde tel qu’on le voudrait, dans la réalité du pays telle qu’elle est aujourd’hui.

Parce que sinon, sinon les élections qui vont venir, je ne parle pas que des législatives, elles seront les mêmes. La droite a fait la jonction entre la droite et l’extrême droite, c’est vrai, mais ce n’est pas ça le sujet principal, ce n’est pas ça qui explique notre faiblesse de la gauche au premier tour. Ça explique la composition des votes de la droite au premier tour, mais pas la faiblesse de la gauche. C’est bien la faiblesse de la gauche au premier tour qui doit être notre problème.

Donc la réponse qu’on doit apporter, je crois qu’elle doit aller profondément dans la refonte de la façon dont nous nous représentons, où nous exprimons des positionsidéologiques, et ensuite programmatiques qui peuvent être plus en phase avec ce que la société pense aujourd’hui.

(…) Il faut aller à ces législatives en faisant comprendre aux Français que ce qu’ils nous ont dit le 22 avril et le 6 mai, ça a un écho chez nous. Sinon, on continue d’être à côté, et en même temps, il faut que nous, on soit capable de commencer la reconstruction.

Pour moi, il y a deux mots d’ordre dans cette reconstruction simples. Le premier, c’est le collectif. J’ai entendu dire qu’on voulait mettre en place des comités Théodule nouveaux, on a des instances, on a un bureau national. Que le bureau national du Parti socialiste refasse de la politique, et qu’on y gère et qu’on y tranche des questions politiques. Tout le monde y est représenté largement, que cela serve à quelque chose. On n’a pas besoin de créer pour un mois de campagne des structures nouvelles.

Le collectif, et puis le renouvellement. Qu’à droite, sur les écrans de télévision, dans les débats, les soirs du premier tour et du deuxième tour, il y a des hommes et des femmes qui ont de l’expérience politique et qu’on voit depuis un certain temps, c’est bien normal, mais il y en avait aussi d’autres, et pas chez nous. Donc ce renouvellement-là, de générations, de couleurs et tout ce qu’on veut, d’origines, il ne faut pas simplement qu’on en parle, il faut que les Français le voient. Et si les Français ne le voient jamais, on reste un parti de vieux croûtons. Donc, au bout du compte, il faut quand même qu’on soit capable de mettre en œuvre, cela vaut pour moi comme cela vaut pour les autres bien sûr, évidemment…

Et si, dans cinq ans, quand on sera au bout du mandat de Nicolas Sarkozy, dont j’espère qu’il sera le mandat unique, mais ce n’est pas garanti, ceux qu’on veut mettre en avant doivent avoir acquis un peu de notoriété auprès des Français et avoir une quarantaine d’années à l’époque, il faut qu’on les prenne aujourd’hui à trente-cinq ans et qu’on commence à les promouvoir. Si on ne le fait pas, on n’aura pas ensuite les hommes et les femmes dont on aura besoin à l’arrivée. Il y a évidemment un scénario noir. Il ne faut pas faire semblant de ne pas l’avoir à l’esprit, chacun d’entre nous le redoute, veut le rejeter, sait que nous sommes capables de le rejeter, mais c’est qu’il existe le scénario noir. Le scénario noir, c’est un scénario où le Parti, petit à petit, devient la SFIO, grande puissance locale, grande impuissance nationale, et où finalement, se replient les uns et les autres sur ce qu’on fait fonctionner : les régions, les départements, les villes, et on trouve que ce n’est pas si mal. C’est trop compliqué de gérer les problèmes centraux, il y a trop de difficultés, trop de contradictions, on va laisser la droite le faire. Et on laisse la droite le faire une fois, deux fois, trois fois, et puis jamais, on ne retrouve le pouvoir national.

Les Britanniques, ça leur a pris vingt-trois ans avant d’arriver à mettre Thatcher et Major dehors. Ce risque-là, il existe, c’est un PS qui devient petit à petit la SFIO, et une SFIO qui petit à petit devient ce qu’est le PC, c’est-à-dire une grande culture, une grande histoire, une grande référence, mais un astre mort dans la politique. Et cela, aucun de ceux qui sont ici n’en veut évidemment.

Évidemment, en face, il y a un scénario rose, il faut le mettre en œuvre, c’est le scénario où on est capable de moderniser ce qu’on fait. Alors, on ne va pas se battre sur la terminologie : rénover, moderniser, renouveler, on peut tous se gausser et faire des jeux de mots en disant qu’on entend parler de modernisation depuis 1986, de rénovation depuis je ne sais quand, tout ça, c’est vrai, mais on sait bien de quoi on parle quand même ; où on est capable de faire que ça bouge, ou bien on reste dans notre petit train-train quotidien, et finalement, rien ne change. Si on est capable de faire que ça bouge, alors oui, alors l’ambition d’avoir un Parti socialiste qui prend sur sa gauche, fait qu’ils veulent finalement que les choses bougent et qui savent que, pour ça, il y a besoin d’un parti ; et sur sa droite, ceux qui sont au centre gauche et qui verront bien dans l’aventure malheureuse de ce François Bayrou, qui n’a aucune issue évidemment, si on est capable de rassembler tout ça, alors l’hypothèse d’avoir un Parti socialiste au-dessus des 30 %, d’avoir comme objectif un tiers, ce qui est la situation de tous les grands partis socio-démocrates en Europe, ce scénario rose-là, il est possible.

Et moi, je voudrais que ce soit à ça qu’on se consacre, bien sûr dans les semaines qui viennent, la bataille des législatives, moi comme les autres, on sera disponible pour aller dans la mesure du temps qui existe, défendre les copains un peu partout, là où on peut aider à gagner des circonscriptions, mais au-delà de la bataille des législatives, on ne peut pas s’endormir. Si on s’endort, c’est un sommeil grave qui risque de nous toucher.
On se réveillera trop tard, et dans cinq ans, on verra l’autre, le président de la République qui n’est pas manchot, chacun le reconnaît, avoir utilisé tous les moyens du pouvoir d’État qu’il a aujourd’hui en main pour faire que sa réélection puisse être assurée, et ce ne sera pas cinq ans, mais ce sera dix ans de droite, et Dieu sait ce qui se passe après. (…)

Et moi, ce à quoi je vous invite, c’est qu’on soit capable à suffisamment remettre à plat l’ensemble de ce qui constitue ce qu’on dit, l’ensemble de ce qui fait nos pratiques, et l’ensemble de ceux qui nous représentent pour qu’on se mette en situation de fournir à la France la gauche pendant cinq ans.