3 Tout était en place. Un objectif : faire de son mandat un calvaire pour Nicolas Sarkozy, limitant ainsi ses capacités de nuisance.
Les premiers mois furent difficiles. Ils durent supporter le déchaînement de leurs amis qui se croyaient trahis, l’incompréhension et la tristesse de leurs proches. Ils ne purent qu’approuver des mesures parfois révoltantes ou fragilisant le pays. Pour ne pas se dévoiler, la discrétion était de mise. Ils durent jouer aux sarkozystes fervents. En permanences, ils continrent leur rage face aux sourires serviles qui défiguraient la cour autour du nouveau roi.
Pour parer à l’urgence, Eric Besson défendit insidieusement devant Borloo la TVA sociale, peu avant que celui-ci n’aille sur un plateau de TV. Fabius avait été prévenu. Cela permis d’établir une première digue au parlement, mais encore bien insuffisante.
Mais leur emprise allait croître lentement. Leur pouvoir de nuisance allait devenir terrible.
En secret, Carla continuait à voir le désormais président, pleine de honte rentrée. Ses exigences contribuèrent à la décision politique de la séparation d’avec Cécilia. Elle le rendait fou. Avec l’aide de quelques autres personnes influentes de la nuit parisienne, elle travailla Nicolas au corps.
Sa volonté de pouvoir, de richesse, d’opulence fut exacerbée. Déshinibé par son entourage, qui lui montrait les bons sondages, « cela ne choque pas les français », « c’est normal pour quelqu’un de ton rang », « regarde dans les autres pays », « cela passera bien dans les classes populaires, les cités : les gens veulent du rêve.. », il s’engouffra dans le yacht de Bolloré, imposa une augmentation de son salaire, afficha sa relation privée et clinquante sans plus de limites, de pudeur, de décence.
Les ministres, eux, commencèrent habillement à instiller la division. Quelques critiques légères sur des mesures phares d’abord, avec Martin Hirsch sur les franchises médicales, ou Fadela sur les tests ADN. Puis de plus en plus, mais toujours de manière discrète.
C’était cependant terrible pour eux. Obligés de sourire face à la morgue de certain députés UMP, de baisser la tête face à tout le sarkozysme, obligés de se taire, de se renier publiquement. Certains voulaient démissionner dès l’été.
« Pas encore, mes amis » répondait invariablement leur mentor.
Certains ont failli craquer, envisageant des manières plus radicales de nuire à cet omniprésident. Carla fut proche du régicide lorsque Nicolas envisagea de lui faire un enfant. Tout mais pas ça. Elle trouva des excuses.
Pourtant, à part quelques conjoints prévenus dès le départ, il n’y eut pas de fuite, le secret était bien gardé. Pour tenir, ils se voyaient souvent, entre gens bien ouverts, chez Bernard au ministère des affaires étrangères. Ils prirent même l’habitude de se réunir dans les dépendances de l’Elysée lorsque Carla y eut porte ouverte. A l’UMP, ils parlaient des diners de l’ouverture, vexés d’en être écartés. On ne parlait jamais du projet, par peur d’être écouté, mais on s’amusait beaucoup.
Les premiers effets de ce harcellement discret se firent sentir à l’UMP. Agacements, jalousies, rancoeurs, face à une politique que les agents de Besson s’attachaient à rendre choquante dans les paroles, mais inefficace dans les faits. Les sondages indiquèrent une érosion de la popularité du Président. Les sourires carnassier de la bande s’aiguisèrent.
La fin de l’Etat de grâce : il était temps d’agir plus fort
Le jeune secrétaire d’Etat à la prospective avait un schéma bien établi. Leur présence, leur action mettait mal à l’aise la majorité, pas toujours de manière consciente. Celle-ci était de plus en plus tentée de surenchérir, en déposant des amendements de plus en plus droitiers qui choquaient enfin l’opinion. Cela faisait partie du jeu. Il fallait souffler sur les braises. De son côté, ses études officielles pour le pouvoir honni avancaient a minima, juste de quoi de pas se faire démissionner.
Après avoir demandé en privé la visite de Kadhafi, Kouchner s’amusa ainsi à exciter Guaino et Boutin, ce qui fut aisé, sur la laïcité. La visite du guide eut un effet désastreux. Et la laïcité commença à travailler l’entourage du Président.
En panique face à sa chute dans les sondages, il tenta de remobiliser l’électorat de droite sur une question très structurante en terme de vote, comme celle de la religion. Mais ses discours illuminés sur la religion, faisant l’apologie du kamikaze, de la politique de civilisation de l’Arabie Saoudite et de son Islam tolérant, remettant en cause la laïcité telle qu’établie en France depuis un siècle, ne mobilisèrent pas les croyants, déçu par l’étalage de sa vie privée, dont Carla abusait sans vergogne.
Bigard, de toute sa vulgarité, soutint involontairement leur oeuvre de décrédibilisation.
Ce Sarkozy Bigot-Bigard allait à juste titre faire mal à la droite.
A l’approche des municipales, il fallait continuer à diviser la droite, et à décrédibiliser l’action du gouvernement. Fadela Amara déclara qu’elle ne voterait pas Sarkozy à la prochaine élection présidentielle. Kouchner et Jouyet se prononcèrent en faveur de Delanoë à Paris.
Didier Migaud critiqua sévèrement la loi de finance pour 2008, et Dominique Strauss-Kahn appela à sanctionner Sarkozy et à une politique de relance au niveau mondial, donnant des leçons à une Christine Lagarde bien loin avec regret de son cabinet d’avocat.
Les agents de l’ouverture se réunirent chez Jacques Ségéla au début de l’année. Quelques phrases discrètes à double sens renseignèrent chacun sur leur mission. Ces allusions fines ne furent pas perçues par Jean-Marie Bockel, qui n’était pas dans le coup, mais qu’ils avaient été contraints d’inviter pour ne pas éveiller les soupçons.
Fadella proposa un plan bien vide à Nicolas Sarkozy pour les banlieues. Il ne put rien en faire. Sa démission, faute de moyen, dans un grand coup d’éclat, sera bientôt un des moments difficiles du gouvernement. D’autres suivront… Le château de carte vacillait enfin, il ne restait plus qu’à souffler.
Ils pouvaient être fier. Il y eut bien quelques ratées, comme le rapport Védrine, qui n’eut pas trop d’impact alors qu’il devait souligner le repositionnement géopolitique de Sarkozy, mais rien de grave.
Plus sérieuse fut l’alerte, fin janvier, lorsque Carla posa nue pour un magazine espagnol. Sa haine la poussait a des légèretés excessives. Les autres membres craignaient pour sa santé mentale.
Elle aurait pu être soupçonnée pour avoir fait ça. Mais même pas, jouer l’ingénue suffit…
Parfois Besson avait honte d’infliger tout cela à l’image de la France. Mais sans tout cela, ce n’est pas une bouffonnerie internationale dont il s’agirait, mais d’un pouvoir narcissique et sans partage.
Dans l’ensemble, le pouvoir était pris à la gorge : les symboles de l’ouverture s’étaient rendus symboliquement indispensables. Ce cancer pour la majorité allait s’étendre aux collectivités locales.
(suite)
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