Une élection présidentielle, c’est l’occasion de confronter des projets, des programmes, des hommes.
Mais c’est aussi l’occasion de se reposer les questions plus profondes, de quel avenir on souhaite, et quels moyens pour avancer dans la bonne direction. Je ne me sens pas déterminé par une tradition familiale, par un vote évident de classe ou par mon intérêt propre puisque je compte bien voter pour l’intérêt général, pour des valeurs, pour chercher des améliorations.
Quel idéal ?
Si je devais choisir seul l’avenir proche, si j’avais tous les pouvoirs, j’ai bien en tête les éléments d’une société idéale.
Une société beaucoup plus fortement engagée dans une transition et une sobriété énergétique, dans un respect de la nature et de la biodiversité.
Une société de la connaissance partagée, de l’éducation, des savoirs, mais également de la recherche de pointe et des technologies comme moyen d’explorer et de forger le futur. Une société non seulement où les religions ne sont plus des facteurs de conflits ou de dérives, mais au fond si je pouvais vraiment décider de tout, une société sans religions, ni sectes, ni complotistes, ni bêtise crasse.
Une société du loisir, la lecture, la découverte de la nature, le partage et l’échange, le jeu de société, redeviennent les chemins du développement personnel, et cohabitent avec le travail digne et décent.
Une France qui se reconnait dans un espace européen plus large, qui accepterait d’aller vers des compétences et une démocratie partagée. Une France qui prend ses responsabilité à l’international lorsqu’il faut défendre des causes, et notamment sa sécurité, mais en privilégiant un cadre plus large.
Un pays de solidarité, avec moins d’inégalités, sans pauvreté ni salaires ou fortunes exorbitantes, qui accueille et intègre ceux qui ont moins de chance dans d’autres pays, qui retisse des liens intergénérationnels.
Une société de libertés de choix de vie, de possibilité d’entreprendre, d’innover, de se former, changer de vies; avec des entreprises innovantes, citoyennes, rentables, qui se basent sur des agents plus autonomes, mieux formés, qui font vivre une démocratie sociale forte. Une cogestion à l’Allemande, où des syndicats plus forts, moins éclatés, plus responsables, partagent les intérêts globaux de l’entreprise et peuvent influencer sa stratégie.
Une société avec des citoyens forts, une administration efficace, moins d’échelons locaux, une démocratie vivante, avec de la proportionnelle, des élus exemplaires, des associations dynamiques.
Une société sure, qui investit fermement dans la lutte contre l’insécurité, contre les fraudeurs fiscaux, le travail au noir, et se donne les moyens de sa puissance, avec une armée en adéquation avec ses ambitions de protection.
Une gestion saine, une dette maîtrisée qui ne finance pas le fonctionnement, une administration globalement efficace, qui permet une fiscalité raisonnable, ou des services publics de haut niveau reconnus qui justifient le niveau de fiscalité…
Mais l’idéal ne fait pas un programme politique
- Tout d’abord lorsqu’on trace un idéal sans cohérence, plusieurs objectifs sont contradictoires.
D’ailleurs cela commence à l’intérieur de chacun : les exemples sont infinis. On peut être écologiste pour les enjeux globaux, mais vouloir deux ou trois enfants. De même la plupart des individus souhaitent acquérir un habitat individuel, y compris ceux qui prônent une densification des habitats ou un arrêt de l’étalement urbain. Certains font du sport ou mangent bio pour améliorer leur santé mais fument. Ou prônent une diminution du temps de travail par un partage des richesses et du travail, mais ne demandent pas un temps partiel auquel ils auraient droit…
C’est pareil pour les idées générales : on peut difficilement proposer des objectifs contradictoires, dans une réalité complexe. Il faut donc faire des choix, des arbitrages, des nuances. - Il y a des moyens à mettre en cohérence avec des résultats. Des choix à faire. Imposition des ménage, des hauts revenus, des entreprises, dette… avec des conséquences futures sur la société (pénalisation de l’activité, augmentation des inégalités..) Ainsi, lorsque certains préconisent des dépenses nombreuses, une dette maîtrisée, et une fiscalité raisonnable, il y a un souci…
Implicitement, cela oblige à sortir du cadre : la dette ne sera pas forcément remboursée. Du coup le cadre se dérobe : les marchés financiers ne prêtent plus. Alors il faut aller plus loin : on créera notre propre monnaie / Cela implique de sortir des traités européens. Une inflation massive est créée, qui plombe les entreprises exportatrices, et le pouvoir d’achat pour les produits importés..
De même pour les entreprises : on peut les contraindre et les taxer plus, mais avec le risque, si nous dépassons certains points d’équilibre, de dégrader l’activité et l’emploi. Si on est dans une position absolue et volontariste, on pronera donc d’autres règles plus drastiques pour contrer ces effets secondaires (obliger des embauches, limiter les licenciements..) qui entraineront eux mêmes des effets néfastes à contrer… - Enfin, la société est complexe, ne réagit pas comme dans un jeu vidéo : les comportements, les anticipations, les structures administratives, les phénomènes de fuite, d’évitement, les impacts internationaux… Le risque à vouloir contraindre le réel est de décevoir, ou de devoir s’enfoncer dans une dérive autoritaire. On le voit avec Trump : au moment de traduire les effets d’estrade, les propositions insurrectionnelles et populistes, des contrepouvoirs, juridiques et politiques, des résistances partisanes ou administratives, des logiques économiques ou une realpolitique internationale se mettent en place et ralentissent ou résonnent les décisions effectives.
J’aimerai interdire les religions et les cigarettes, mais cela ne se passe pas comme ça.
J’aimerai créer un revenu universel, en reportant la fiscalité ménage sur les entreprises, j’aimerai décider des actions très volontaristes concernant l’environnement ou la société, mais cela ne se passera pas tel que je peux l’anticiper, et les effets secondaires risques d’être pires que le résultat obtenu…
Souvent, les idées trop brutales, simples, entières, ne marchent pas. Les extrêmes estiment souvent que leur idéologie vaut plus que les faits. La volonté politique, du peuple, du chef s’impose à tout. Finalement le programme politique de LePen ou Mélenchon importe peu, comptent plus leur personne, leur récit, leur incarnation de catégories unifiées mythifiées qu’ils font parler (le peuple, les français..)
Une fois au pouvoir la complexité du réel s’immisce. Et soit cela amène à de la désillusion, soit à des fuites en avant (cela ne fonctionne pas à cause de tel ou tel, cela n’a pas fonctionné car on n’y est pas allé assez fort, ou polarisation de la société sur d’autres sujets pour masquer ces échecs inévitables)
Entre cet idéal, proche d’un programme de Mélanchon, et le réel, il y a donc un chemin à tracer. Dans le choix qui nous est proposé à la présidentielle, la première marche qui semble la mieux adaptée est pour moi Macron.
Entre le rêve et le projet, il y a une voie à trouver. Produire avant de redistribuer. Contraindre ou réguler, mais pas seulement dans les textes, en prenant en compte les effets réels sur l’économie.
Ne pas dire comment on pourrait progresser vers ceci, oublier les complexités, les antagonismes internes à cette vision, où encore les éléments qui dans l’application seraient contraires, c’est se tromper et tromper les électeurs.
Entre l’idéal fantasmé et le réel, il faut donc choisir une feuille de route, sans oublier l’un mais en s’ancrant dans l’autre.
L’utopie concrète, la méthode du réformisme pas à pas, voici ma perspective. Promettre un cadre réaliste pour maintenir ou améliorer des droits sociaux, plutôt que promettre une radicale et joyeuse révolution sans bornes, qui peut potentiellement se transformer rapidement en chaos, puis en révolution conservatrice ou autoritaire (de gauche ou de droite) si cela échoue.
Le risque est cependant en étant trop dans le réel, de ne pas croire en ses rêves, d’oublier d’oser le rapport de force. L’ordre établi n’est pas pour autant immuable. Des inégalités sans précédents doivent pouvoir être contestées et questionnées. Mais sans raisonner dans une bulle, dans un texte théorique qui ne fera que chasser les fortunes et les investisseurs ailleurs (les capitaux et les fortunés sont les plus mobiles).
Il faut également penser l’urgence écologique, les bouleversements internationaux, les migrations, les développements en cours, les crise nationalistes ou la chape de plomb d’un retour du religieux qui s’étend, la concurrences dans le cadre d’un capitalisme financiarisé et mondialisé…
On peut penser que l’histoire va vers une diminution du temps de travail du fait du progrès technique. Cependant n’est-ce pas forcer le mouvement que penser que ces mouvements se voient du temps d’une génération ? Une forme d’hubris du pouvoir potentiel, de prétention à voir de son vivant des changements qui relèvent du temps long.
De même concernant un revenu universel. Il y a déjà progressivement des formes de revenus de subsistance, avec les chomages puis RSA, avec des salaires minimum, avec des allocations spécifiques (personnes atteintes de handicap)… Enfin le revenu universel existe pour une part de sa vie, c’est à dire une fois retraités. Quand on voit la difficulté à équilibrer les systèmes de retraites, penser pouvoir l’étendre à l’ensemble de la population parait un projet pour la fin du siècle, lorsqu’il y aura une forme de convergence des économies mondiales, des droits sociaux… Il peut y avoir des dispositifs intermédiaires, avec des impacts massifs en terme de redistribution, et donc de prélèvements nouveaux sur des entreprises ou la TVA., et donc la formule initiale ne pouvait être qu’un produit d’appel.
Ce qui me parait important c’est la notion d’équilibre.
Je suis favorable à des services publics forts, je ne suis pas pour une diminution des impôts et des fonctionnaires par principe. Mais lorsqu’on analyse la situation en France, vu le contexte, les rapports de force, l’analyse concrète de l’économie, il me parait plutôt sain d’envisager un reflux maîtrisé et priorisé de l’intervention publique, du nombre de fonctionnaires, une politique plus favorable à l’activité, aux entreprises, donc plus libérale qui permettent de consolider les filets sociaux et de les adapter à une société plus mobile et lutter contre le chomage. Tout est question de points d’équilibres.
Il est assez inquiétant de voir que Mélenchon et Hamon, et les personnes qui les entourent, connaissent peu l’économie privée.
De même je ne suis pas contre les partis, mais vu l’état du PS, que j’ai connu de l’intérieur, je pense qu’à certains moments, des partis peuvent évoluer ou s’éteindre, se réinventer.
Macron est donc l’instrument, dans un contexte particulier, de la recomposition politique nécessaire. Il y aura ensuite probablement le dépassement de Macron lui-même pour aller vers un nouveau clivage. Je pense que après 5 ans, si ce qui est dit est fait, l’économie française se portera mieux, ce que je n’anticipe pas avec les autres candidats (Olivier Blanchard à cette même analyse pragmatique). Après cet atterissage plus libéral, qui est un rééquilibrage mais est bien loin d’être ultra libéral, je pronerai probablement ensuite, avec Macron ou avec d’autres, pour un renforcement, au niveau européen comme national, des droits sociaux, de la transition écologique, toujours plus d’éducation, de science, de recherche, une politique de santé à renforcer etc.
Le temps long, réaliste, qui ne donne pas toujours la foi du volontarisme, mais qui peut donner l’espoir d’un lendemain qui progresse malgré un contexte difficile.
Commentaires récents